Décès du dramaturge et comédien M'hamed Benguettaf
L’interprète d’El Ayta et l’auteur de Fatma
le 07.01.14 | 10h00 /El Watan
M’hamed Benguettaf, l’homme-pivot du théâtre algérien depuis une décennie, a rendu l’âme dimanche soir à l’âge de 75 ans des suites d’une longue et pénible maladie.
A partir de 2003, en tant que directeur du TNA et commissaire du festival national de théâtre, il eut la haute main sur la gestion du secteur du théâtre grâce à la confiance dont il jouissait de la part de la ministre de la culture. Encensé par certains, décrié par d’autres en raison de cette gestion, sa mort a fait taire les inimitiés à son endroit. Sur les réseaux sociaux, nombre de ses opposants se sont inclinés devant sa mémoire. Contacté, son ami Omar Fetmouche, directeur du TR Bejaïa, met en exergue son rôle de passeur entre l’ancienne et la nouvelle génération d’artistes du 4e art : «Grâce à son action et à son entregent, nombre de jeunes artistes ont émergé soit en tant qu’auteurs, metteurs en scène ou de comédiens, alors que d’autres ont été nommés à la tête des nouveaux théâtres régionaux. De même, grâce à M’hamed, le répertoire du théâtre algérien a été revisité alors que des artistes passés dans l’oubli ont été honorés.» Ceci étant, une fois éteints les feux de l’actualité, que sera la postérité de M’hamed Benguettaf ? Incontestablement le fait qu’il fut un excellent comédien, sa performance d’acteur dans le rôle de l’ouvrier El Djemaî dans El Ayta fut un moment marquant dans sa carrière. Mais, on retiendra également qu’il a été un prolifique adaptateur et auteur dramatique.
FATMA, SA MUSE
Son premier texte est mis en scène en 1975. C’était Hasna ou Hassan, monté par Agoumi au sein du TR Annaba. Quatre années après, en 1979, Hadj Omar monte son Stop au TNA et en 1980 il passe à la mise en scène avec un de ses textes, Djeha oua nass au TNA. Mais c’est avec Echouhada yaoûdoune hada el-ousboû, en 1987, d’après une nouvelle de Tahar Ouettar, et El ayta que le nom de
Benguettaf s’imposa comme une référence.
En 1990, sa Fatma est montée par Ziani Cherif Ayad. En 1992, c’est une traduction de Mille hourras pour une gueuse de l’œuvre éponyme de Mohamed Dib, puis Baya, une adaptation d’après un roman de Aziz Chouaki.
La répétition, en 1994, a été écrite directement en français et a été montée en France où il s’était exilé. Arrêt fixe, également en français, est montée en 1996.
En 2003, il sera l’auteur d’une adaptation contemporaine de Don Quichotte : Quichotte, l’homme qui n’y était pour rien, une co-production algéro-française labellisée Djazaïr 2003. Mais de toutes ces créations, il est certain que Benguettaf demeurera l’auteur de Fatma, une pièce qui a été traduite dans plusieurs langues et montée dans plusieurs pays d’Europe et d’Afrique.
Enfin, dans la mémoire du théâtre algérien, Benguettaf demeurera un des promoteurs du théâtre indépendant.
C’était à l’orée des années 1990. A cet égard, la période la plus notable de sa carrière se confond avec la création de la compagnie «Masrah el Kalaâ». Constituée d’une brochette de trois autres talentueux artistes (Sonia Mekkiou, le regretté Azzedine Medjoubi et Ziani Cherif Ayad) elle décrocha en 1989 dès sa première production, El ayta en l’occurrence, la plus importante distinction des 4es journées théâtrales de Carthage. Pour d’aucuns, il est avéré que les uns et les autres se sont nourris mutuellement pour arriver à ce que chacun fournisse le meilleur de lui-même.
On notera cependant que si Sonia a mué avantageusement en metteur en scène ainsi que Azzedine Medjoubi, Ziani n’a plus rien produit de significatif depuis la fin de l’expérience de «Masrah el Kalaâ» au milieu des années 1990.
Quant à M’hamed Benguettaf, il a été victime d’un assèchement de sa veine en tant qu’auteur au sortir de la décennie noire et de son retour d’exil, un tarissement que ses occupations à la tête du TNA et du commissariat du festival national de théâtre n’expliquent pas.
Mardi, 07 Janvier 2014 09:50 /Liberté Quotidien National d'Information
M’HAMED BENGUETTAF (1939-2014)
Un pilier du 4e art s’en va…
Par : Hana Menasria
Suite à une longue maladie, le directeur du Théâtre national algérien (TNA) s’est éteint à Alger, laissant derrière lui, un bel héritage pour le 4e art algérien. Le défunt a été enterré dans l’après-midi d’hier, au cimetière d’El-Alia.
L’homme de théâtre et directeur du Théâtre national algérien (TNA), M’hamed Benguettaf, s’est éteint dans la nuit de dimanche à Alger, à l’âge de 74 ans. Le défunt a été enterré dans l’après-midi d’hier, au cimetière d’El-Alia à Alger. Suite à ce décès, le dramaturge a laissé la famille du quatrième art orpheline.
Mais, il a veillé à leur légué un bel héritage : une somme considérable d’œuvres théâtrales aussi sublimes les unes que les autres qui ont marqué les esprits et le théâtre algérien depuis ces trente dernières années. Né le 20 décembre 1939, à la Glacière (Alger), M’hamed Benguettaf a exercé dans de nombreux métiers avant de découvrir sa passion pour les planches.
L’amour pour le théâtre viendra en 1963, après “une audition à la radio où il est engagé comme comédien stagiaire”, peut-on lire dans la biographie de Benguettaf, écrite par Achour Cheurfi dans son ouvrage Petit dictionnaire du théâtre algérien - De 1920 à nos jours (Editions Dalimen).
Ayant plusieurs cordes à son arc, ce jeune comédien stagiaire évolue et finit par rejoindre le Théâtre national algérien (TNA), en 1966. Polyvalent, outre sa carrière de comédien, il est en parallèle traducteur, adaptateur, auteur, metteur en scène et gestionnaire.
Vers la fin des années 1980, il participe à la création de l’une des premières coopératives théâtrales Masrah El-Kalâa (théâtre de la citadelle) avec Ziani Chérif Ayad et Sonia. D’ailleurs, il a obtenu plusieurs prix avec El-Ayta (le cri) en 1989, qui a été écrite pour Masrah El Kalâa. Parmi les œuvres qui ont fait le succès de Benguettaf, on peut citer : Djeha et les gens (1980) et Fatma (2002), ainsi que Arrêt fixe, et la célèbre la Répétition. “M’hamed Benguettaf a réuni les outils de son propre langage et s’est forgé une écriture dramatique singulière. Lorsqu’il a écrit Fatma, il a mis beaucoup de lui dans la révolte d’une femme qui forge de ses fers le glaive de son affranchissement et qui fait de sa résignation le levain de sa colère”, est-il mentionné dans l’ouvrage d’Achour Cheurfi.
Concernant ses talents de traducteur, le dramaturge a traduit et adapté de nombreuses œuvres, notamment celles de Tahar Ouettar, Kateb Yacine, Ali Salem et Ray Bradbury.
Après avoir écrit et joué sur les planches du théâtre, il a aussi interprété des rôles dans des films. On l’a vu récemment faire une brève apparition (très remarquée tout de même) dans Parfums d’Alger de Rachid Benhadj. Mais M’hamed Benguettaf est resté fidèle à ses premiers amours : le théâtre, et depuis 2003, il est le directeur du Théâtre national algérien (TNA).
Outre son poste de directeur, il est depuis 2006, le commissaire du Festival national du théâtre professionnel d’Alger. Malgré sa maladie, ce grand homme du 4e art a poursuivi sa passion ; il était présent aux activités de sa deuxième demeure et il a toujours soutenu sa famille du théâtre. L’homme de théâtre a toujours travaillé dans le sens de faire prospérer le théâtre, pourvu que les générations à venir perpétuent ce combat et fassent refleurir le 4e art algérien.
Par Kader Bakou (Le soir d'Algérie)/mercredi 08 janvier2014
Cela s’est passé à la fin des années 1980, du temps où les représentations théâtrales nocturnes se déroulaient dans des salles archicombles. Le spectacle a déjà commencé, mais le public continue d’affluer. Sur scène, évoluent Ziani Cherif Ayad et M’hamed Benguettaf. Un groupe de personnes entre dans la salle «orchestre» du Théâtre national algérien. L’obscurité les empêche de voir s’il reste encore des sièges libres dans la salle. Encore debout, ils commencent à discuter entre eux. Pour une raison inconnue, la discussion se transforme en dispute. Sur scène, Ayad pose une question à Benguettaf (conformément aux dialogues de la pièce).
A ce moment-là, M’hamed Benguettaf improvise. «Attends un peu. Donnons le temps à ces messieurs de régler leur problème, puis nous continuerons calmement notre discussion», lui répond M’hamed Benguettaf, en désignant de la main le petit groupe de personnes debout dans la salle. Le public éclate de rire, puis fait une ovation à Benguettaf. A la fin de l’ovation, le petit groupe de «perturbateurs» a disparu comme par enchantement. M’hamed Bengeuttaf, un artiste jusqu’au bout de la vie.